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Au-delà de l’activité partielle : élargir le principe de solidarité

Si le chômage partiel devrait permettre à la France de passer la crise du coronavirus, sans licenciements immédiats et massifs, son coût est considérable.
21/04/2020

Plus de 20 milliards d’euros : c’est l’évaluation du coût mensuel du chômage partiel pour l’Etat, dans la crise du coronavirus, pour éviter que les entreprises ne licencient massivement.

A date, le dispositif concerne plus de 8 millions de salariés. Certaines entreprises ont annoncé qu’elles participeraient à l’effort de solidarité nationale en renonçant à ce dispositif : Danone, Nestlé, Chanel, Total, l’Oréal, Hermès… Mais ce ne sera pas suffisant pour combler le « trou » creusé dans les finances publiques.

Il est temps de réfléchir à d’autres solidarités car toutes les entreprises n’ont pas de réserves suffisantes pour se passer d’activité partielle. Et nous portons tous la responsabilité de sauvegarder notre système de protection sociale, qui reste le meilleur au monde.

Peu songent au CET Face à la crise, le gouvernement a fait évoluer, de façon temporaire, la réglementation des congés payés, des jours de RTT et du compte épargne temps (CET).

Pour les congés, un accord de branche ou d’entreprise peut permettre à l’employeur d’imposer au salarié de prendre jusqu’à 6 jours. Et il est aussi possible, sans accord préalable, de contraindre ses collaborateurs à prendre 10 jours de RTT ou CET.

Si beaucoup d’entreprises ont pensé à demander à leurs salariés de puiser dans leurs jours de congés et de RTT, peu songent au CET. Et pourtant, c’est un dispositif souple : les jours stockés dans les CET peuvent être débloqués en temps (pour compenser les creux d’activité) ou en argent (pour éviter une perte de revenus). Certaines entreprises ont déjà utilisé les jours de CET lors de la crise de 2008. Et s’ils ont été bien provisionnés, ils ne pénalisent pas les résultats financiers de l’entreprise

Une responsabilité sociétale partagée D’autres possibilités d’adaptation peuvent être utilisées : la modulation du temps de travail, selon l’activité et la récupération des heures de travail perdues pendant la crise, en travaillant plus ensuite. Et évidemment, la formation qui peut s’effectuer à distance grâce aux outils informatiques, en avançant le calendrier des sessions prévues dans les prochains mois. Demander aux salariés de faire des sacrifices ou d’aménager leur temps de travail, implique d’en expliquer les motifs clairement. Dans le climat actuel, chacun peut comprendre que la responsabilité sociétale est partagée, qu’une recherche d’équité entre salariés obligés de se rendre à leur travail ou confinés chez eux, se justifie. Ou encore, que chacun a intérêt à préserver sa rémunération et que l’entreprise devra relancer sa production lors de la sortie de crise.

L’OFCE prévoit un rebond d’activité important en fin de confinement, porté notamment par un taux d’épargne élevé des ménages et la résilience du tissu productif due aux mesures prises par le gouvernement

Un dialogue social nourriLes efforts des salariés pour préserver leur rémunération et leur emploi n’empêchent pas les entreprises de contribuer également à la solidarité nationale. Outre le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, plusieurs possibilités s’offrent à elles : une majoration spécifique des heures supplémentaires accomplies sur les lieux de travail, un abondement des jours de repos issus du CET… Sans oublier les dons à l’APHP pour chaque jour de congé payé pris pendant le confinement.

Chaque entreprise peut construire un plan d’action spécifique, non seulement en se basant sur la réglementation de crise, mais surtout en s’appuyant sur un dialogue social nourri. Celui-ci jouera un rôle essentiel pour passer ce cap difficile et préparer la reprise d’activité. Il deviendra alors primordial d’ouvrir aussi le champ des discussions aux questions écologiques qui sous-tendent cette crise. A quand les négociations vertes ?

Le chômage partiel a déjà fait ses preuves en 2008, en permettant à l’Allemagne de mieux rebondir que ses voisins européens. Avec la crise du Covid-19, la France adonc révisé son système existant pour le rendre plus souple et protecteur. La souplesse : l’acceptation implicite de la demande d’activité partielle en 2 jours au lieu de 15, la dérogation au caractère préalable de la consultation du CSE, la simplification de la procédure de dépôt des demandes. La protection : la modification des règles et des montants d’indemnisation ; les salariés au forfait bénéficient aussi du dispositif. En 4 semaines, 700 000 entreprises ont déposé une demande pour près de 8 millions de bénéficiaires. La France espère ainsi échapper au chômage massif que connaissent déjà les Etats-Unis avec 10 millions de demandeurs d’emploi de plus, en deux semaines.